Objet mythique de la légende arthurienne, le Saint Graal alimente tous les fantasmes et les récits d’aventures du Moyen-Âge. Bien des chevaliers ont parcouru le monde et tenté de trouver ce fameux calice qui contiendrait le sang de Jésus-Christ, recueilli par Joseph d’Arimathie lorsqu’il a été descendu de sa croix. En vain. Pourtant selon une croyance tenace dans la région du Rhône, le Graal serait enterré dans l’île Barbe, sous les restes de l’abbaye qui a été érigée sur les bords de la Saône.
L’île Barbe a du charme et reste un bol d’air frais dans l’ancienne Lugdunum régulièrement frappée par de fortes canicules. On vient s’y promener, déjeuner, se reposer ou admirer les ruines de l’ancienne abbaye, derniers restes de ce qui fut le premier établissement monastique de la région lyonnaise. Mais pour certains gones de la capitale des Gaules, c’est aussi le lieu d’une légende persistante que l’on se transmet de générations en générations, entre deux verres de beaujolais et un morceau de « Jésus », le saucisson local. C’est ici sur cette « Insula barbara » (île sauvage) que Longinus aurait apporté et enterré la fameuse coupe contenant le sang du « Fils de l’Homme ».
Le Saint Graal et le cor de Roland de Roncevaux gardés jalousement
L’histoire prétend que pris de remords après avoir percé avec le fer de sa lance, le flanc du Christ cloué sur la croix, le soldat romain se serait converti au christianisme et pour s’absoudre de ses péchés, serait venu un temps se retirer dans le plus grand centre chrétien du monde gallo-romain. La légende affirme que Longinus aurait pris la décision d’y élever une abbaye avec pour seule compagne, la dépouille de Sainte-Anne. De quoi faire sursauter les bretons qui vouent un culte à la grand-mère de Jésus. Et pour donner du crédit à cette énigme, l’historien Léopold Niepce n’a pas hésité à écrire de son vivant, en 1890, que les moines, le jour de l’Ascension, montraient le Saint Graal aux Lyonnais ainsi que le cor de Roland, le fameux neveu de charlemagne tué à Roncevaux, dont ils auraient reçu également la garde. Jusqu’à la Révolution française, l’abbaye bénédictine, fortifiée au cours des siècles, sera le symbole d’un rayonnement intellectuel, sa bibliothèque renommée attirant les monarques français. Détruite en 1793, les moines durent s’enfuir, emportant avec eux le secret de l’emplacement du Saint Graal, laissant planer un mystère sur une île appréciée des druides qui venaient sacrifier ici à leurs dieux, à l’abri des regards, entourée par une épaisse brume au matin. Ainsi que des sorcières qui attiraient là toutes leurs victimes.
Un « Da Vinci Code » lyonnais
Mais que dit la réalité historique ? Centurion, originaire de Cappadoce, Longinus est cité dans l’apocryphe Évangile de Nicodème. Il n’a jamais quitté la Judée où il y serait mort au 1er siècle après Jésus-Christ. Saint Marc l’évoque également dans le chapitre 15, verset 39 de la bible. Il est donc difficile d’affirmer que le romain soit venu en villégiature dans cette partie de la Gaule, aucun récit n’en faisant état. De facto, il n’a pu ériger d’abbaye dont les premières fondations dateraient de plus de trois siècles après sa mort. On a même pensé , un temps, que la tombe de Longinus se trouvait à Saint-Rambert, non loin de là. Mais de tombe du soldat inconnu, il s’agissait en fait d’un autre soldat prénommé Antoninius. Loin d’être Avalon, l’île Barbe ne referme aucun secret et ne serait qu’un beau récit parmi tant d’autres. Quoique !? A la légende s’ajoute un autre mystère. Afin de se protéger des sbires du protestant baron des Adrets qui va dévaster l’île en 1562, les moines auraient caché leur trésor dans des souterrains de granit sous les murs de l’abbaye. Personne n’a jamais réussi à trouver la porte d’entrée pas plus que les clefs de l’abbaye, De cette aventure historico-fantastique, seule subsiste encore l’église Notre-Dame. Autant de questions sans réponses à ce mythe, mais assurément de quoi faire une suite à succès au prochain « Da Vinci Code » de Dan Brown.
Frederic de Natal