Lundi, le parlement a finalement décidé d’étendre les pouvoirs du roi Abdallah II en votant un amendement à la Constitution. Désormais, le souverain Hachémite aura toute latitude pour limoger les Hauts-fonctionnaires sans passer par l’accord du gouvernement. Cette réforme, qui a fait l’objet de débats houleux, fait suite à la tentative de putsch de 2021 qui a sérieusement menacé la monarchie jordanienne.
Ce début de semaine, les députés jordaniens ont voté à une écrasante majorité l’amendement de l’article 40 de la constitution, donnant au monarque jordanien la possibilité de nommer et de révoquer le juge en chef, le chef du Conseil judiciaire de la charia, le grand mufti, le chef de la Cour royale, le ministre de la Cour et les conseillers du roi. Seuls sept députés (sur 130) ont voté contre la mesure, la plupart appartenant au bloc Islah, un mouvement lié aux Frères musulmans. Une réforme qui a donné lieu à de sérieuses empoignades au Parlement. « Ce que le gouvernement a fait avec ces amendements, c’est de bouleverser l’ensemble du processus gouvernemental, en rejetant le concept selon lequel le peuple est la source du pouvoir » s’est plaint peu de temps avant le vote décisif et lors d’une manifestation, Jamal Jeet, porte-parole du Mouvement jordanien unifié (MJU).
Une réforme en réponse au putsch d’avril 2021
Le Premier ministre Bisher Khasawneh (depuis 2020) a déclaré que ces amendements étaient constitutionnels et visaient à « éloigner ces postes des querelles partisanes afin de préserver leur impartialité ». Une réforme qui intervient après la tentative déjouée de coup d’état en avril 2021 et qui a impliqué des conseillers du roi et le prince Hamzah, demi-frère du roi Abdallah II, ancien prince héritier écarté en 2004 au profit du fils du monarque, le prince Hussein. Plus de 21 personnes ont été arrêtées dans cette tentative de putsch qui a ébranlé la monarchie Hachémite dans ses fondations, avec en fond de toile un conflit entre tenants d’un traditionalisme bédouin et ceux partisans d’un modernisme occidental. « Cette sédition est venue aussi bien l’intérieur et de l’extérieur de maison, et rien n’est comparable au choc que j’ai ressenti, ma douleur et ma colère en tant que frère et chef de la famille hachémite, et en tant que chef de ce peuple fier » avait déclaré le roi. Dans la foulée, il avait ordonné des réformes à tous les niveaux. Les taux de chômage et de pauvreté ont atteint des niveaux record, amplifié avec la crise de Covid, poussant les Jordaniens dans la rue.
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Le roi Abdallah II accusé de mettre en place une monarchie absolue
Mohammed Abu Sal’ilik, un député d’Islah qui s’est opposé à cette réforme, a affirmé que le pays prenait le chemin d’une « monarchie absolue ». « Nous avons transféré les pouvoirs du gouvernement et donné le contrôle parlementaire au roi. Tous les outils et organes d’état seront entre les mains du souverain » regrette cet élu. Un autre député, Wasfi Al-Rawashde, a commenté sarcastiquement ce vote en affirmant que « tout ce qui restait au gouvernement, était d’annoncer le changement d’heure en été et en hiver ». La constitution jordanienne donne déjà au roi des pouvoirs considérables, lui permettant de désigner le Premier ministre, ainsi que les chefs de l’armée et de ceux de l’Agence de renseignement. Il nomme également chaque membre de la chambre haute du parlement et peut dissoudre le parlement à sa guise. Certains des amendements découlent des recommandations formulées par le « Comité de modernisation politique », un organe chargé par le roi, au cours de l’été dernier, de « moderniser » le système politique jordanien. Toutefois, le parlement (qui est bicaméral) a rejeté un autre amendement qui aurait placé le roi à la tête d’un « Conseil de sécurité nationale » censé dicter la politique intérieure et étrangère.
Un monarque incontournable
Ce n’est pas la première fois que les pouvoirs du roi sont accrus. Déjà en 2016, le parlement avait voté une première réforme en ce sens, octroyant au souverain le droit de nommer le président d’une juridiction supérieure et les membres du Sénat. Rival de l’Arabie saoudite et chouchou des médias occidentaux, la maison royale de Jordanie est une alliée clef des États-Unis, de l’Europe et de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme. Médiateur dans le conflit israélo-palestinien, le roi Abdallah II est aussi « protecteur des lieux saints de Jérusalem ». En 2019, il a reçu le prix de la « Lampe de saint François », l’équivalent catholique du Prix Nobel de la Paix.
Frederic de Natal