Le 5 juin 1946, alors que la monarchie n’a plus que quelques heures à vivre, balayée par un référendum truqué, la Banque centrale d’Italie réceptionne un colis, résultat d’une rencontre le roi Umberto II et le futur président Luigi Einaudi. Les documents mentionnent que la caisse contient la « dotation de la Couronne du Royaume », un écrin à trois étages recouverts de cuir protégé alors par 11 sceaux. Pendant plus d’un demi-siècle, les bijoux, colliers, boucles d’oreilles, broches, pierres précieuses, diadèmes vont être gardés puis oubliés par la banque. Ils ont été redécouverts récemment. La question est désormais de savoir s’ils appartiennent aux descendants de la maison royale de Savoie ou à la République ?
Dans le procès-verbal de livraison rendu au Ministre de la Maison Royale, Falcone Lucifero, il est écrit : « les objets précieux qui représentent les dotations de la Couronne sont confiés en garde à vue à la caisse centrale, pour être tenus à disposition à ceux en ayant- droit du Royaume ». Une formule qui laisserait donc sous-entendre que les héritiers du « roi de mai » sont les vrais possesseurs de ces millions qui dorment dans la banque centrale d’Italie. Le prince Emmanuel-Philibert de Savoie, petit-fils du roi Umberto, reconnaît que sa famille a été informée de l’existence de ce trésor et affirme que ce sont des « cadeaux et achats personnels des différents membres de la Maison de Savoie et non des biens affectés au roi pour l’accomplissement de ses fonctions ». « L’actuel Premier ministre Draghi, lorsqu’il était gouverneur de la Banque d’Italie, à l’occasion de notre entretien, avait indiqué sa volonté de se pencher sur la question. Puis il a lui-même changé de rôle. Peut-être qu’avec ce gouvernement le dialogue pourrait être plus simple » espère cet héritier au trône. « Mon grand-père nous a clairement désignés comme légataires de cette fortune. Les bijoux appartiennent à la Maison de Savoie. Soit, ils nous reviennent ou soit, ils sont exposés dans un musée car ils font partie de l’histoire italienne » ajoute-t-il.
A l’inverse, aucune prise de position n’a été prise par les innombrables gouvernements qui se sont succédé depuis 1946. Dans la Constitution, un article stipule que « les avoirs, existant sur le territoire national, des anciens rois de la Maison de Savoie, leurs épouses et leurs descendants masculins sont les avocats de l’État. Les transferts et l’établissement de droits réels sur les biens eux-mêmes, intervenus après le 2 juin 1946, sont nuls et non avenus ». De facto, les institutions de la République sont en droit de refuser la restitution de ses biens aux Savoie et qui pourraient être réclamés également par une branche cadette (les Aoste) qui sont également prétendants au trône d’Italie. Des bijoux dont le montant est inestimable et dont l’authentification doit être prouvée. En effet, il possible que certains ne soient que des copies, des broches ayant disparu lors d’un vol en 1976. On parle quand même de 300 millions d’euros en jeu. A ce stade, le gouvernement n’a pas pris de décision et il est difficile de dire s’il se positionnera au risque de créer un débat sur la monarchie dont 15% (sondage de 2018) des italiens réclament le retour.
Frederic de Natal