C’est une photo qui a suscité beaucoup d’interrogations sur les réseaux sociaux. Parfois accompagnés de commentaires indignés ou xénophobes. Alors qu’elle s’apprêtait à monter dans le jet privé affrété ce 8 novembre 2021, pour la ramener dans la principauté de Monaco, après presque un an d’absence par suite de problèmes de santé, la princesse Charlène a effectué une révérence devant le roi Misuzulu Sinqobile kaZwelithini. Épouse du prince Albert II, le protocole ne lui impose pourtant pas ce geste de déférence envers un souverain traditionnel. Pourtant à regarder de plus près, les choses sont moins manichéennes qu’elle n’y paraissent. La Revue Dynastie vous explique les règles du cérémonial entourant ce monarque, haute autorité culturelle régnante d’Afrique du Sud.
Unkulunkulu crée les amazoulous, les fils du ciel
Selon la légende, c’est Unkulunkulu, le « créateur suprême » qui a accordé le droit de vie aux amazoulous, les fils du ciel, et qui leur a appris à chasser, à faire du feu et faire pousser leur nourriture. Mais c’est véritablement -Shaka Zulu kaSenzangakhona (1787-1828) qui va permettre à cette petite ethnie d’Afrique australe d’émerger et devenir une puissance militaire et politique redoutée de tous au milieu du XIXème siècle. La bataille d’Isandhlwana en 1879 achèvera de forger leur réputation de féroces guerriers après avoir battus les soldats britanniques. Le prince Louis-Napoléon, héritier du trône impérial de France, trouvera même la mort dans le veld sauvage, victime d’un guet-apens. Son souvenir est toujours commémoré chaque année sur cette terre rougie par le sang des tribus assujetties par les zoulous. Finalement soumis et le royaume subdivisé, face aux nombreuses révoltes, Londres n’aura finalement pas d’autres choix que de rétablir les monarques zoulous dans leurs régalia. De nouveau confirmées par le régime de ségrégation raciale, Pretoria cède aux injonctions du premier ministre royal, Mangosuthu Gatsha Buthelezi, et accepte de leur créer un bantoustan (état autonome) en 1970. Avec la fin de l’apartheid, vingt-quatre ans plus tard, et afin d’éviter toute sécession du Zoulouland, le premier gouvernement multiracial va concéder de larges pouvoirs au monarque zoulou devenu incontournable et influent. Buthelezi, leader de l’Inkhata Freedom Party, oncle du roi Goodwill Zwelithini kaBhekuzulu, occupera même la fonction de ministre de l’Intérieur de 1994 à 2004 au sein du gouvernement fédéral.
Un protocole protégé par la Constitution
Le protocole qui entoure les membres de la famille royale, en particulier le souverain, est très strict et se veut conforme aux prérogatives octroyées par la Constitution, article XI, alinéa 212. Considéré comme un monarque de droit divin (Nkosi), on ne peut ni le toucher ni même l’étreindre. Il faut attendre que ce soit lui qui vous tende la main avant de pouvoir la prendre et lui rendre son salut en pliant les genoux (hommes comme femmes). Chaque invité est prié de rester assis avant l’arrivée du roi, puis de se lever lorsqu’il paraît escorté par sa suite, toujours précédé d’un mètre par les chanteurs de louanges (inyosi). Si les femmes (qui doivent lui faire la révérence à son passage) peuvent s’assoir une fois que les épouses royales ont reçu l’autorisation de faire de même, les hommes doivent rester debout jusqu’à la fin des louanges. Il est interdit de s’adresser au roi par ses noms, encore moins de lui parler ou d’être de lui montrer son dos. Certaines couleurs sont interdites à la cour comme le noir et seul le monarque est autorisé à porter du bleu ou du marron royal. Lors d’un repas, l’hôte qui accueille le roi peut être assis entre lui et la reine. Le protocole interdisant strictement que l’on questionne la première souveraine sur ses activités ou ses enfants. Le roi des Zoulous ayant préséance sur les autres dirigeants politiques qu’il rencontrerait, ce qui le place en position dominante, y compris vis-à-vis du président de la République. Bien qu’il n’existe pas dans la réalité, le monarque est protégé théoriquement par une loi de crime de lèse-majesté dont a fait les frais un chef de cuisine français dans les années quatre-vingt-dix. Très agacé par l’impatience du roi lors d’un repas officiel et par ses exigences, il avait insulté le souverain en cuisine, oubliant que les employés étaient zoulous. Les faits avaient été immédiatement rapportés au roi qui avait exigé que le chef de cuisine soit chassé de l’hôtel où il officiait.
Une révérence, « Buzz » royal
Ne cachant pas sa proximité avec l’actuel souverain de la nation zoulou, (ce dernier est régulièrement venu prendre de ses nouvelles dans le lodge où elle résidait) ni son son respect envers cette maison royale ( elle a été la seule princesse européenne à avoir pu assister aux funérailles du roi Goodwill Zwelithini kaBhekuzulu, décédé en mars 2021, créant un certain « buzz »), la maman de Jacques et de Gabriella de Monaco a donc répondu aux exigences du protocole imposé dans ce genre de situation. Un geste également effectué en guise de remerciements par la princesse très admirative d’un peuple dont l’Histoire a été aussi bien portée sur le petit que le grand écran.
Frederic de Natal