Humaniste, bohême, écologiste, Nicolas Petrovitch-Njegosh est l’arrière-petit-fils du dernier souverain du Monténégro. Prétendant au trône de ce pays de l’ex-Yougoslavie, il est l’actuel représentant d’une dynastie dont le destin se confond avec l’Histoire tumultueuse des Balkans. Architecte de métier, il a récemment accordé une interview au quotidien Vijesta. En appelant le « Monténégro à surmonter les divisions identitaires qui ne peuvent que conduire à des conflits, de dépasser le débat séculaire qui divise et hypothèque l’avenir » de la nation, le prince Nicolas fait également un appel du pied à l’Union européenne (UE).
Pour beaucoup de tintinophiles, le Monténégro est le « Royaume du Pélican noir » du roi Muskar XII, une monarchie sortie de l’imagination fertile du dessinateur Hergé. Parmi les aficionados du reporter le plus connu de la planète, Nicolas II Petrovitch-Njegosh. A 78 ans, il est l’héritier d’une dynastie qui a dirigé le Monténégro durant trois siècles et demi. Un pays que cet architecte de formation a découvert dans les années 1960 sans réellement savoir que le nom qu’il portait était synonyme d’indépendance. Un combat qui s’est subitement invité dans sa vie avec la chute du Mur de Berlin en 1989. Lorsque les restes de son arrière-grand-père, le roi Nicolas Ier, sont ramenés au Monténégro, cet écologiste convaincu comprend l’importance du nom qu’il porte. Avec le démembrement progressif de la Yougoslavie, la guerre civile qui éclate, Nicolas Petrovitch-Njegosh va rapidement se fixer deux objectifs : faire en sorte que le Monténégro retrouve son indépendance et adhère à l’Union européenne dont il est un partisan.
Les Petrovitch-Njegosh, dynastie fondatrice du Monténégro
La maison Petrovitch-Njegos a mis en place les premières institutions politiques du pays. Le fondateur de la dynastie, Daniel Ier, va incarner cet esprit de liberté qui traverse toutes les couches de la société monténégrine, épuisée par la tutelle turque qui occupe cette partie des Balkans depuis 1496. Élu Métropolite orthodoxe serbe de Cetinje, ce prince-évêque (vladika) va sonner les cloches de la révolte lors de vêpres sanglantes en 1702. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à des musulmans, des serbes renégats, sont irrémédiablement exterminés, attirant l’attention de la Russie qui n’hésite pas à conclure une alliance avec cette nation en devenir. Par la suite, ses successeurs vont s’atteler à consolider les institutions de la nouvelle principauté devenue un royaume indépendant en 1910. La Première Guerre mondiale va signer la fin de cette liberté chèrement acquise. Le pays est donné à la Serbie, intégrée à la nouvelle Yougoslavie, son monarque exilé dans le sud de la France et l’insurrection royaliste (1919-1924) finalement écrasée. Les divisions ne se taisent pas pour autant et persistent sous la monarchie serbe des Karageorgévitch comme sous le régime communiste.
Des tensions entre la Serbie et le Monténégro qui persistent
Le Monténégro est redevenu indépendant en 2006 au cours d’un long processus et les Petrovitch-Njegos ont retrouvé un statut officiel. « Par deux gestes forts et symboliques, les citoyens et les institutions du Monténégro ont permis à notre famille d’être à nouveau présente au Monténégro après 70 ans d’exil. Ce fut, tout d’abord, le transfert émouvant des dépouilles mortelles du roi Nicolas et de la reine Milena et des princesses Vera et Xenia en octobre 1989. Et 22 ans plus tard, en 2011, la loi sur le statut des descendants de la dynastie Petrovitch-Njegosh a été adoptée à une large majorité au Parlement monténégrin. L’article le plus important, l’article premier de cette loi, qui se réfère à la réhabilitation morale et historique de la dynastie, a pleinement donné sens à mes engagements des deux décennies précédentes, et surtout et surtout, il a répondu aux souhaits et aux attentes de la majorité des citoyens du Monténégro » explique le prince Nicolas au quotidien Vijesta venu l’interroger. A la tête de la fondation qui porte le nom de la maison royale, c’est un observateur aguerri de la politique phanariote de son pays. Depuis des mois, Serbie et Monténégro sont à couteaux tirés sur le plan linguistique et religieux. Jusqu’ici l’église orthodoxe monténégrine dépendait de Belgrade avant de prendre son indépendance.
L’héritier au trône appelle au consensus
« Vous savez, dans chaque société, il y a des polarisations ethniques, géopolitiques ou culturelles. Au Monténégro, malheureusement, ces polarisations sont presque entièrement centrées sur les questions identitaires. Seules des institutions véritablement démocratiques et indépendantes peuvent maintenir l’équilibre entre ses diverses populations et protéger le pays des dérives liées aux intérêts politiques et financiers » a déclaré le prince Nicolas dont le nom circule pour prendre du tête le projet de participation du Monténégro à la prochaine Exposition universelle (EXPO) en 2025 dans la ville japonaise d’Osaka. « (..) Il est grand temps de surmonter ce différend séculaire qui nous divise, qui hypothèque notre avenir et pollue les relations fraternelles que nous avons toujours entretenues non seulement avec la Serbie, mais aussi avec tous les autres pays de la région. Il devient urgent de dépasser les clivages identitaires qui ne peuvent qu’engendrer des conflits et de commencer enfin à penser à un avenir commun, l’avenir de nos enfants. Nous partageons tous le même pays et avons les mêmes droits fondamentaux qui doivent s’exprimer dans le respect de la diversité » poursuit le prétendant au trône qui appelle les deux pays de l’ancienne Yougoslavie à trouver rapidement un consensus.
Le dossier européen, dernière pierre à l’indépendance ?
Le Monténégro a déposé un dossier d’admission à l’Union européenne (UE) en 2008. Soucieux de la lutte contre le réchauffement climatique (il s’est insurgé contre les constructions bétonnées, démesurées et mal intégrées à leur environnement laissées à l’abandon sur les côtes), ardent défenseur du patrimoine monténégrin, « (…) il est évident que le Monténégro écologique a sa place en Europe, je dirais même qu’il peut devenir un laboratoire européen de la transition écologique et ainsi jouer un rôle actif en Europe. En fait, un petit pays traversera cette transition plus rapidement et plus facilement que les grands pays industriels qui sont confrontés aux intérêts contradictoires de la mondialisation » affirme Nicolas Petrovitch-Njegosh. « Nous parlons toujours de ce que l’Europe peut nous apporter, maintenant nous devons parler de ce que nous pouvons apporter à l’Europe et comment nous pouvons contribuer aux défis européens liés à l’environnement et à la stabilité régionale. C’est exactement ce que j’essaie d’expliquer dans les différents contacts que j’entretiens en France depuis des années. Mais avant tout, il faut des signaux forts de la part du Monténégro officiel, qui devrait montrer sa détermination à aller dans cette direction. Et aujourd’hui, nous avons tous besoin d’actions plus que de paroles » rappelle-t-il, plaçant ses pas dans ceux du roi Siméon II ou de la princesse Margareta de Roumanie, partisans de la construction européenne.
« En rejoignant l’Union européenne, les valeurs et les droits qui garantissent la démocratie, la paix, la justice sociale, l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté d’expression et le développement durable seront respectés. Il est clair que cette adhésion améliorera sensiblement les conditions de vie de tous nos concitoyens. Pour tous, l’Europe représente une perspective d’ouverture qui permettra de relativiser nos rivalités internes, ainsi que les rivalités avec nos voisins » reste persuadé le prince Nicolas.
Frederic de Natal