C’est une mort héroïque qui a laissé orphelins des milliers de français. En juin 1879, l’héritier au trône du Second empire, le prince Louis-Napoléon, meurt en plein cœur de l’Afrique du Sud. A plusieurs heures de vols de la France, dans les Midlands, une passionnée vous guide à travers la « Route du Prince impérial » et vous fait découvrir un pan de notre patrimoine historique qui reste encore méconnu et ignoré des français.
Engagé sous l’uniforme britannique, le prince impérial Louis Napoléon est un jeune homme de 23 ans qui brûle de faire ses preuves. « Lorsqu’on appartient à une race de soldat, ce n’est que par le fer qu’on se fait connaître » écrit le fils de Napoléon III qui entend partir en Afrique du Sud combattre les zoulous, une ethnie guerrière redoutable qui mène la vie dure aux soldats de sa très gracieuse Majesté. Sa mère, l’impératrice Eugénie, le supplie de renoncer à cette folie mais tout à l’immortalité de sa jeunesse, « Loulou » répond que lorsqu’il « aura fait voir qu’il sait exposer sa vie pour un pays qui n’est pas le sien, on ne doutera plus qu’il sache la risquer mieux encore pour sa patrie ». Sa décision est prise. Ce prince qui a grandi sous les ors du Second empire vient de prendre un chemin qui va le mener vers un destin tragique et ruiner tous les espoirs des bonapartistes.
Arrivé au Cap en février 1879, on l’affecte à une unité d’éclaireurs stationnée dans le Kwazoulouland. Sa présence dérange l’état-major britannique qui estime qu’il n’est pas ici pour biberonner le rejeton d’une maison déchue et dont ces officiers font peu de cas. Il fait leur siège, veut participer à une mission. De guerre lasse, on finit par l’autoriser à participer à une mission de reconnaissance le 1er juin suivant. Se croyant protégée, la patrouille décide faire halte près d’une rivière en dépit de l’interdiction formelle qui lui a été faite de stopper près d’un kraal abandonné. Dans les hautes herbes, des guerriers zoulous observent la scène, ne bougent pas avant de s’élancer subitement vers la petite troupe. Les coups de feu claquent, les deux soldats britanniques sont tués d’un coup de sagaies. Louis Napoléon réagit immédiatement et monte sur son cheval orné de la selle de son père. La sangle de cuir qui la retient sur son cheval est usée. Sous le coup du poids du prince, elle lâche et le prince se retrouve propulsée à terre. Il se retrouve seul face aux zoulous qui entourent cet homme armé d’un pistolet et de son épée, le visage couvert par la sueur. C’est le dernier combat que va livrer le petit-neveu de Napoléon Ier.
Son corps sera retrouvé le matin, percé de 17 coups de sagaies et le ventre ouvert. La mort de l’héritier au trône va horrifier l’Europe, renforcer les caricatures autour des zoulous dont on connaît mal les rites. En éventrant le prince, les zoulous avaient simplement voulu honorer la bravoure du prince afin que son âme s’échappe de son enveloppe mortelle et puisse rejoindre les siens. A cette époque, la presse ne verra dans cet acte que le crime odieux de barbares dont il fallait stopper la sauvagerie à tout prix. La bataille d’Isandhlwana perdue par les britanniques restait encore dans les mémoires. Le 22 janvier 1879, 20000 zoulous avaient battus une armée moderne de 1700 hommes.
Si le corps a été ramené au Royaume-Uni et repose actuellement dans l’église de Chislehurst, une tombe au Kwazulu, sous la forme d’un tumulus de pierres et surmonté d’une croix de marbre blanc, parfois orné des couleurs tricolores de la France, marque l’emplacement où est décédé le prince impérial. Une histoire dont l’Afrique du Sud est particulièrement fière et entretient avec une certaine dévotion. Le musée de Durban a gardé peu de choses de cet événement. Parmi lesquels, une montre de poche qui a été l’objet d’un long combat entre les autorités locales et ses détenteurs, conservée dans un coffre-fort du musée KwaMuhle, Prise sur le corps du prince par un guerrier, ce dernier a remis la montre à un missionnaire norvégien, en remerciement des soins médicaux prodigués à sa femme malade. Sa famille s’est transmis la relique de générations en générations, prêtée au musée par Solveig Mathiesen Wise. En 2014, son fils a réclamé la restitution de la montre mais le Conseil municipal de Durban a décidé de vérifier si sa famille avait bien le droit de détenir ce précieux témoignage historique.
Ancien professeur de français à l’université de Pietermaritzburg, Glenn Flanagan est aussi guide touristique, une passionnée de « Napoléon IV ». Elle a découvert la vie de ce héros alors qu’elle était dans l’enseignement secondaire en 1993. « Avant cette date, j’avais eu quelques échos par ma professeure de français à la faculté, Françoise Chupin, une Bretonne. Françoise avait assisté aux cérémonies commémoratives pour le centenaire de la mort du Prince en 1979 à Uqweqwe. Leurs Altesses impériales, le Prince Napoléon et la Princesse Napoléon étaient aussi là. J’ai été tout à fait séduite par le sort triste, poignant et tragique du Prince impérial » précise Glenn Flanagan à la Fondation Napoléon qui l’avait interrogée à cet effet. Lors de la restitution de la montre, elle s’était dit « dévastée » par la demande de Raymond Wise. « Nous devons garder cette montre. Le prince est mort ici. C’est le seul effet du prince laissé dans ce pays ; c’est très important qu’il reste ici » avait plaidé Glenn Flanagan. En vain. Le Conseil municipal a fini par retourner la montre à ses légitimes propriétaires un an plus tard.
La « Route du Prince impérial » qui recense tous les « monuments et des lieux fréquentés par le prince depuis son arrivée sur le sol sud-africain jusqu’à son décès » est un haut lieu du tourisme du KwaZoulou. Sur le prospectus, la tombe fictive du prince impérial y figure en bonne place. Cette amoureuse de la France, qui célèbre tous les ans le 14 juillet, aimerait développer son projet afin de mieux faire connaître cette histoire française en Afrique du Sud. Tant à ses compatriotes qu’aux touristes de passages. Pour les sud-africains, Louis Napoléon reste une énigme. Une large majorité d’entre eux se demande bien ce qu’un français est venu faire, surtout sous l’uniforme britannique. Chez les zoulous, on est encore fier d’avoir tué le prince impérial et chaque année, lors d’un rassemblement (Indaba), ils marquent leur respect face à celui « qui s’est battu comme un lion ». « Les autres sont sensibles à l’histoire personnelle, ont de la pitié pour ce jeune homme » poursuit Glenn Flanagan, initiatrice du programme « French Presence in Kwazulu-Natal ».
Pour son investissement, la France reconnaissante lui a accordé le droit d’être nommée chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur et lui a remis la médaille de l’Ordre national du Mérite. Encore aujourd’hui, elle n’en revient toujours pas de l’honneur qui a lui a été fait par ce pays qu’elle admire. Une affection communicative exprimée par Glenn Flanagan et qui se fait fort de vous accueillir, verre de Constantia à la main. Le vin préféré de Napoléon Ier. Et.. en français s’il vous plait.
Frederic de Natal